Face de Cuillère

Publié le 8 Janvier 2007

Vous faites peut-être partie des privilégiés qui ont eu la chance de la découvrir, incroyablement émouvante dans le 7ème édition de « La mousson sur l’eau » cet été. Seule sur scène, dans un décor minimaliste, mystérieuse, fragile mais comme indestructible, Romane interprétait « Face de cuillère » de Lee Hall, transcendant une création du metteur en scène Michel Didym et de la Compagnie Boomerang. Juste accompagnée de la voix pure de La Callas, elle nous avait profondément émus, troublés même, nous renvoyant chacun au plus profond de nous même. Nous étions tous sortis de la péniche Niagara un peu différents …

 

 

Et juste pour le plaisir, parce que ce texte de l’auteur de Billy Elliot est magnifique, j’ai envie de vous en livrer un extrait :

 

 

 "Quand le monde a été fait, dieu l’a fait à partir d’étincelles magiques et les étincelles magiques se sont répandues partout, et dans chaque chose il y a une étincelle au fond, mais ça fait longtemps que le monde a été fait et maintenant, elles sont tout au fond des choses. Et le sens de la vie, c’est de retrouver l’étincelle. Quand on rencontre quelqu’un et qu’on lui dit bonjour, ou si on lui raconte une blague, ou qu’on dit qu’on l’aime ou qu’on essaie d’aider quelqu’un ou qu’on voit quelqu’un qui est triste ou blessé ou qui a perdu tout son argent ou qui a été tabassé ou qui se sent un peu déprimé ou qui a faim ou qui vous demande l’heure ou peut-être qui a raté son train, tous ces gens, ce dont ils ont besoin, c’est qu’on les aide. Et ceux qui ont inventé ça, quand ils voyaient les gens discuter, ils voyaient l’étincelle passer entre eux, les étincelles sautaient de tous les côtés comme l’électricité, des étincelles que dieu avaient mis là, il les avait mises en chacun d’entre nous pour que chacun puisse la trouver dans l’autre, et ce faisant fabriquerait d’autres étincelles. Et avant, les gens âgés, ils voyaient les étincelles et quand les gens se rencontraient, les étincelles jaillissaient de l’endroit où elles étaient cachées pour s’élever au ciel par delà le firmament à travers les nuages au-delà du soleil et elles brillaient dans tout l’univers. C’était quoi le sens de tout ça ? C’était d’éclairer. C’était trouver l’étincelle en nous et la libérer."

 

Si j’ai choisi de vous en parler aujourd’hui, c’est parce que Romane Bohringer revient jouer cette pièce exceptionnelle le mercredi 24 janvier à 20 H au Théâtre du Saulcy, sur le Campus de l’Université de Metz. A revoir ou à découvrir … dans la limite des places disponibles !

 

L’histoire, pourtant, est loin d’être gaie … C’est à cause de son visage rond, comme s’il se reflétait dans une cuillère, qu’on l’appelle Face de Cuillère. On la dit “attardée” mais elle est capable de faire de tête des calculs insensés, complètement inutiles. Elle n’a pas d’âge, elle n’est pas vieille, elle ne le sera jamais, à cause d’une maladie. Elle aime l’opéra et sur un petit magnéto approximatif, écoute Callas. Elle écoute, comme si elle voulait se noyer dans cette voix qui finit par envahir l’espace et l’esprit, dont le chant raconte des histoires “ à propos de la mort et fait voir les choses comme elles sont ”. À première vue, elles ne sont pas joyeuses, les choses, entre une mère alcoolique, un père lointain, un vieux docteur qui lui raconte le camp où sa mère à lui a disparu ...

« C’est un monologue terrible, sans compromis et totalement généreux », souligne Michel Didym. « En quelque sorte, la maladie a développé son humanité, accéléré son appréhension du monde. Elle n’a plus le temps de se plaindre, de chercher des responsables, de se cacher derrière les mots, de se mentir. Elle possède la force de l’innocence et de la lucidité. Ce qui m’attache particulièrement ici, c'est la façon dont cette fille encore si jeune réussit à parler de la mort, à en évacuer l’angoisse. Elle est bien dans la vie, plus pour longtemps peut-être, mais complètement. Il ne s’agit pas de courage, mais de résistance au malheur. Un être humain debout, elle a beaucoup à nous apprendre  ».

Rédigé par Bandolera

Publié dans #Coup de coeur

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G
C'est un bien joli texte que tu as écrit là. J'apprécie beaucoup l'immense talent de Romane Borhinger. Je l'ai découvert comme tant d'autres dans le film de Cyril Collard, "Les nuits fauves". Elle m'a éblouie! L'extrait que tu as mis ici est magnifique. Je crois que dans notre nouveau monde on n'oublie parfois de considérer l'autre en tant que tel... Tendre sa main quand les autres ont besoin de soutien... Soupir...
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